La dernière fois qu’on les avait vues ensemble sur un plateau c’était dans une mise en scène délirante des Précieuses ridicules où, en sociétaires accomplies de la Comédie-Française, elles faisaient le bonheur du spectateur en sexa-bêta virginales. Il n’y a qu’au théâtre que le ridicule donne un réel talent. Et Catherine Hiegel et Catherine Ferran le savent et le pratiquent à merveille.
C’est à présent au Théâtre 71 de Malakoff, qu’ayant quitté, non sans fracas, la Grande Maison, Robert Cantarella les réunit dans la pièce de Dea Loher. Ici encore, leur duo est étonnant. Il faut dire qu’elles se connaissent depuis longtemps, qu’elles ont très amies et que leur complicité sert leur art avec gourmandise. Tous les trois s’étaient déjà attaqués avec succès à La Maison des morts de Philippe Minyana. Leurs retrouvailles brillent avec éclat.
Anna est couturière et Martha cuisinière pour une maîtresse qu’on dit être enfermée dans le congélateur. Elles ne sont pas jeunes et elles passent le plus clair de leur temps à se raconter, à ressasser, à ratiociner, à qui mieux-mieux. Dans la maison on compte une femme de ménage étrangère qu’elles réduisent à l’esclavage et un vieux chauffeur qui se prend pour un chien, ou le contraire, on ne sait pas bien.
On pense à Thomas Bernhardt dans cette façon de pratiquer l’animosité avec délectation, d’aller jusqu’au monstre de soi-même, dans un océan de trivialité et de grotesque. On pense aussi à Beckett et à Fin de partie. Le futur est présent dans la mort qui les attend. En même temps ces Anna et Martha, tout comme Vladimir et Estragon, attendent on ne sait pas quoi, avec un espoir, un désir fous, qui les maintiennent en vie malgré les coups du sort et de la haine.
Courez au Théâtre 71, cela se joue peu (jusqu’au 14 mars). Allez prendre une leçon de théâtre auprès de ces deux actrices qui n’en finissent pas d’être au sommet de leur art.
FXH
Commentaires récents