Elle est obstinée, Leslie Jarmon, ce n’est pas son moindre défaut. Lauréate du barreau israélien, bénévole auprès du centre d’aide aux victimes d’agressions sexuelles de Tel –Aviv, elle plaque tout, s’installe à Paris pour assouvir sa nouvelle passion, le théâtre, avec l’ambition avouée de faire connaître le répertoire israélien.
Deux ans après, renforcée par son apprentissage auprès de Christian Croset et de Simone Strickner, elle se lance dans sa première mise en scène, que
nous avons vue la semaine dernière dans la salle Francis Huster.
Depuis qu’elle a découvert la pièce d’Edna Mazya, elle n’a eu de cesse de vouloir la révéler au public français. Le thème a tout pour séduire cette juriste en droit pénal, puisqu’elle raconte l’histoire d’un viol collectif et de son procès.
Un soir d’été, dans une arrière-cour, cinq adolescents, une fille et quatre garçons, se rencontrent, se frôlent, se provoquent, se défient. La fille est violée par trois d’entre eux. Elle le prétend. Ils le dénient. Ils se retrouveront au tribunal et l’histoire, passée et présente, nous est racontée. Les quatre jeunes gens sont joués par les mêmes acteurs que la procureure et les avocats ; un effet dramaturgique qui donne à la pièce un intérêt encore plus puissant. Chaque avocat a les traits d’un des garçons, les rôles s’inversent, la victime devient l’accusatrice et les bourreaux, les accusés.
Edna Mazya est une figure incontournable du théâtre israélien. À la fois auteure et metteure en scène, elle enseigne l’écriture dramatique à l’Université de Tel-Aviv. Arrière-cour trouve sa source dans un fait divers très médiatisé de 1988. Le verdict de cette affaire fit jurisprudence et modifia le droit israélien. Elle est traduite et jouée partout dans le monde. Et maintenant en France, on s’en réjouit…
…Grâce à Leslie Jarmon, qui a gardé dans la version française tout ce qui est l’origine de la pièce, les noms, les lieux. Cependant l’atmosphère de son travail prétend à l’universalité du propos. Une écriture directe, concise, pugnace pour les adolescents, un style prétorial, plus solennel pour le procès. Peu de décor, les murs taggés et rutilants, criards de couleurs et de mots, trois praticables et une balançoire, où Dvori, la Lolita de la bande, aime à se percher. Trois musiciens rock jouent la musique composée par Nadia El Krete. Le tumulte qui accueille le spectateur amorce l’agression dont sera victime notre jeune héroïne.
Il fallait cinq jeunes acteurs qui puissent à la fois raconter l’anecdote et le procès, passer de l’adolescence à la maturité.
Leslie Jarmon les a dénichés dans l’école et les a fait répéter d’arrache-pied. Ils portent en eux des mois de travail et de jubilation. Solidaires et unis dans le drame, chacun d’entre eux prend soin de différencier son rôle. Axel Giudicelli, Romain Bouillaguet, Owen Cukier et Maxime Pérez, tous élèves de 3ème Année, gagnent avec ce travail des galons pour une future vie professionnelle. Le grand mérite de la soirée revient à Mathilde Méry, parfaite adolescente égarée entre son désir et ses contradictions, puis procureure tenace et volontaire. Elle est à elle seule la lumière noire de ce spectacle.
On souhaite à Leslie Jarmon et à sa jeune troupe de trouver vite le chemin d’un théâtre pour faire entendre la parole fulgurante d’Edna Mazya.
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