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Ces actrices qui prennent la plume…

Plus de 500 romans pour la rentrée littéraire et parmi les romancières de nombreuses florentines, délaissant – peut-être parce qu’elles sont délaissées – les scènes de théâtre et les plateaux de cinéma. Elles s’adonnent, solitaires, à une nouvelle occupation pour enrichir leur vie intérieure, leur touche artistique. Les mots, c’est aussi leur domaine, l’écriture leur permettant d’exercer leur pouvoir sur eux autrement, profondément, peut-être irrévocablement.

Depuis longtemps Sylvie Granotier livre ses productions de romans noirs qui font la joie des critiques et du public. Le tout dernier, La Place des morts (Albin Michel), a fait trembler ses lecteurs tout l’été. Sylvie Simon écrivit deux beaux romans au Dilettante avant de se consacrer à l’écriture de scénarios et notamment Les Petits meurtres d’Agatha Christie.

Anne Brochet et Sylvie Testud pratiquent à merveille l’alternance. Elles portent leur double casquette dans une intermittence bien remplie.

Après elles, de jeunes actrices, rivalisant de charme et de beauté, se sont attelées à l’écriture et ont trouvé à vivre des aventures inédites. Citons pêle-mêle Camille de Peretti, Alma Brami et tout dernièrement Rebecca Vaissermann, mais de celle-ci nous reparlerons un autre jour.

Trois de nos actrices-écrivaines, telles des reines sur le char florissant de la rentrée, font belle impression sur les têtes de gondole des libraires, selon l’expression consacrée…

Nelly Allard

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Après Le Crieur de nuit, justement récompensé par le Prix Roger-Nimier, revient avec Moment d’un couple (Gallimard), qui nous entraîne dans un trio presque classique, le mari, la femme et la maîtresse, rien de nouveau, pensez-vous ? Au contraire, sur ce thème, l’auteure distille goutte à goutte le poison de la jalousie qui peut entrer en chacun de nous, à l’improviste. Elle analyse les soubresauts du cœur humain, avec précision et doigté, elle entre dans les caractères des trois protagonistes avec un raffinement stylistique plus que délicat. Elle conduit l’action comme dans un thriller du meilleur acabit. Elle tient en haleine le lecteur, qui n’en peut mais… Du grand art de dentellière de la pensée et de la connaissance du sentiment.

Isabelle Coudrier

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Elle aussi, est obsédée par la passion amoureuse – mais qui ne l’est pas ? – et par le monde de l’enfance. Elle offre aux Éditions Fayard J’étais Quentin Erschen. L’enfance est le terrain de jeux souvent interdits. Déjà Cocteau nous raconta ses Enfants terribles. Ici, dans une petite ville de province, Quentin, Raphaël et Delphine Erschen sont les voisins de Natacha. On assiste dans un jardin les mystères de leurs explorations et leurs jeux pour le moins étranges. Ils grandissent, avec leurs chagrins et leurs secrets. Natacha est amoureuse de Quentin, qui ne sait pas aimer. Et puis Delphine disparaît brutalement… Isabelle Coudrier a côtoyé de prés le cinéma. Elle fut scénariste et réalisatrice. Elle un sens aigu de la composition et du suspens. Elle a beaucoup lu, Stendhal, Modiano, Thomas Mann. Elle impose un univers romanesque bien à elle, empreint de classicisme certes, mais dans une écriture résolument contemporaine.

Isabelle Sorente

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Enfin, aborde dans son dernier roman, 180 jours, publié chez JC Lattès, une histoire pas ordinaire dans la littérature. 180 jours, c’est le temps qui sépare la naissance d’un porc de sa mort à l’abattoir. Ce sont aussi les six mois qui vont faire basculer la vie d’un homme, Martin Enders, universitaire, qui enquête au sein d’un élevage industriel de porcs. Fondé sur la propre étude de l’auteur, le roman expose la relation entre deux hommes dont l’autre est Camélia, porcher de son état, que son travail répugne de plus en plus. Cette amitié improbable va changer le cours de leurs vies. Isabelle Sorente invite à une plongée impitoyable dans une organisation infaillible et inhumaine. « Un porc, c’est quelqu’un ou quelque chose ? » On est endroit de se poser la question et l’auteure tente d’y répondre en interrogeant le rapport entre l’homme et la bête dans une société où la rentabilité est le mot d’ordre.

Héros et anti-héros

Héros et anti-héros

Au moment où Christian Croset attaque son travail sur « l’étoffe des héros », l’actualité théâtrale semble donner raison à son choix. Deux scènes de la périphérie parisienne accueillent sur leurs plateaux deux mythes conséquents.

L’un est Macbeth au Théâtre Nanterre-Amandiers. Une mise en scène au scalpel de Laurent Pelly, la mise au jour sombre de la violence, l’illustration des mouvements corrompus du sieur écossais et de sa belle, magistralement interprétés par Thierry Hancisse et Marie-Sophie Ferdane.

L’autre est Hannibal au Théâtre 2 Gennevilliers dans une lecture par trop académique de Bernard Sobel. Le spectacle ne rend pas justice à ce maudit de Grabbe, ou alors c’est ce satané Grabbe (et son traducteur) qui ne parvient pas à nous intéresser. Les acteurs, Jacques Bonnaffé en tête, peinent à trouver le souffle et le mordant ou s’encombrent d’un style incertain. Shakespeare sort gagnant de la comparaison. Dans la lande bourbeuse et les châteaux glacés, on avance à grandes enjambées, dans une allure martiale propre à écraser impitoyablement le destin des héros.

Avec Le Soldat ventre-creux, de Hanokh Levin, joué au Théâtre de la Tempête à la Cartoucherie, on passe dans le camp des anti-héros. On n’est plus chez les grands de ce monde. L’auteur revisite la figure de Sosie, après Plaute et Molière, mais dans un registre tragique. Quand un soldat revient de guerre il a simplement eu d’la veine et puis voilà… nous dit la chanson. Pas le nôtre. Il retrouve sa maison, mais elle est occupée par un autre… Sosie ! au ventre plein, lui qui a le ventre creux. Sa femme, son fils le considèrent comme un étranger, celui qui dérange. Ses voisins, devenus aveugles et muets, ne le reconnaissent pas. Et voici qu’arrive le Soldat ventre-à-terre, revendiquant lui aussi l’identité de Sosie…

Soldat ventre creux

La guerre, éternelle histoire des hommes, révèle les héros et les anti-héros. Elle éclaire la cruauté et l’humiliation de notre condition. La domination d’un Sosie sur l’autre et voici une nouvelle guerre qui recommence, plus intime, ou plus domestique, mais qui n’en est pas moins douloureuse. Levin propose une fable politique, inspiré par le conflit israëlo-palestinien,  sur la domination de l’homme par l’homme. Il décrit avec talent l’égarement de ceux qui reviennent du front, qui pourraient être aussi ceux qui reviennent des camps de déportation ou de réfugiés. Tour à tour, les actions farcesques et macabres, les interrogations existentielles sur le sens de la vie occupent le terrain consciencieusement labouré par Véronique Widock.  « Cette histoire est celle de toutes les guerres, écrit-elle, mais sous la plume de Levin, l’humanité refuse de se soumettre. Et le Soldat ventre-creux, doué d’une incroyable aptitude à l’espoir, repoussant les limites du possible, fait preuve d’un incroyable appétit de vivre. » Dans le rôle, Stéphane Facco montre une fois encore qu’il est un acteur hors pair. Il fait très bien passer les interrogations de l’auteur sur le doute, la folie, l’approche de la mort. Avec lui on se demande où trouver une issue dans ce monde. Il réunit toutes les facettes de son art et en devient touchant et… héroïque.

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Jimmy P. (Psychothérapie d’un Indien des plaines)

Jimmy P. (Psychothérapie d’un Indien des plaines)

d’ Arnaud Desplechin, avec Benicio del Toro et Mathieu Amalric, d’après une histoire vraie.

Indien Blackfoot ayant combattu en France lors de la Seconde Guerre mondiale, James Picard souffre de terribles maux de têtes depuis une violente blessure de guerre au crâne.

Simple douleur issue d’un traumatisme physique ? Georges Devereux, anthropologue aspirant à devenir un véritable psychanalyste, et qui pourrait, il faut le dire, être lui-même un patient de l’hôpital, part à la recherche de causes plus psychiques.

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L’évolution poignante de l’histoire, au fil d’un face-à-face entre le patient et son psychothérapeute dans lequel la frontière qui sépare la relation amicale de la thérapie est joliment brouillée, nous emporte dans une recherche de la catharsis qui sera à la fois celle de Jimmy P. et la nôtre.

C’est l’homme qu’il est qui est au centre de cette épopée vers l’intime. L’Homme avec un grand H et sa place dans la société en tant que membre d’une minorité et individu doté d’un libre-arbitre, et l’homme en tant qu’entité masculine qui se fait toujours tout petit devant les femmes.

Arnaud Desplechin nous tient en haleine avec peu, de manière impressionnante. Musique ambiguë, dialogues rythmés et précis, mise en scène simple et efficace. On comprend petit à petit que si Jimmy P. ne parvient pas à se soigner, c’est nous qui ne ressortirons pas indemnes de la séance.

Théo Barbé

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