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Cinéma

La Nuit du chasseur, de Charles Laughton

La Nuit du chasseur, de Charles Laughton

Théo Barbé, élève de 2ème Année de la Classe Cinéma, nous raconte un de ses films préférés. En cinéphile averti, il saisit le détail pour le commenter, mais il sait bien analyser le propos général. À découvrir de toute urgence, c’est un chef d’œuvre !

Les sirènes se rapprochent. Ce son strident des voitures de police américaines des années 30 est cependant assez lointain pour laisser à Ben Harper le temps de remettre à son jeune fils John les dix mille dollars qu’il vient de voler, en lui faisant jurer de ne dire à personne où se trouve ce trésor. Pas même à leur mère. Condamné à mort pour double meurtre, il partage la cellule de prison avec Harry Powell (Robert Mitchum), pasteur fou, étrange et avide, mais ô combien charismatique. Celui-ci comprend qu’un enfant détient le magot et, à sa sortie de prison, se joint à la petite société de la ville de Parkersburg pour se rapprocher de la petite famille innocente que laisse Ben Harper derrière lui, allant même jusqu’a se marier avec Willa, cette veuve qui ne comprend pas les actes criminels de son mari, et qui a du mal à s’occuper de John et de la petite Pearl. Toute la ville semble apprécier ce pasteur qui, en apparence, professe la victoire de l’amour sur la haine et chante d’une superbe voix des psaumes bien intentionnés. Seul le petit John regarde d’un œil méfiant cet hypocrite surhumain, qui passe de la douceur à la menace, tantôt père protecteur, tantôt ogre mangeur. Le suspens est à son comble pendant la course poursuite effrénée qui s’ensuit.

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C’est bien un conte que nous raconte Charles Laughton. Un conte noir digne des plus grands cauchemars de notre enfance. Mais c’est aussi une ode à l’enfance, ce monde de petits héros victimes des fautes de leurs pères et héritiers du mal de leur temps.

Charles Laughton le répétait lui-même, le film est raconté du point de vue de l’enfant. John, témoin de tout ce qui l’entoure, raconte une histoire à sa petite sœur : « Il y avait une fois un bon roi. Il avait un fils et une fille et, tous, ils vivaient dans un château au fond de l’Afrique. Un jour ce roi très gentil fut emmené par des hommes méchants. Avant de s’en aller très loin, il dit à son fils de tuer ceux qui essaieraient de voler son trésor. Quelques temps après, les hommes méchants revinrent et… » C’est John qui voit les gens qui l’entourent aussi exagérément méchants, aussi exagérément gentils, aussi exagérément ignorants, envahissants, oppressants… A cette caractérisation presque caricaturale des personnages s’ajoute une mise en scène elle aussi au service de la vision enfantine. La contre-plongée utilisée pour filmer le pasteur le rend imposant, envoûtant. Il devient aussi grand que les monstres qui se cachent dans nos placards, aussi inépuisable que l’éternel Père Fouettard (the boogey man). Alors que les petits enfants sont tout petits, tellement vulnérables et innocents.

Le travail de Stanley Cortez, chef opérateur, est aussi sublime qu’il répond à la double nécessité de raconter un conte noir du point de vue d’un enfant : l’ombre et la lumière s’affrontent sans répit dans un jeu d’éclairages et de décors où se perdent presque les personnages ; si la forte lumière du soleil domine la première partie du film, c’est pour mieux laisser place à l’obscurité de la nuit magique dans laquelle vont fuir les enfants. Une nuit pleine d’animaux inoffensifs et de fleurs qui jalonnent le chemin des deux héros à la manière des animaux féériques de Lewis Caroll qui ont marqué à jamais la petite Alice.

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Ici, ce ne sont pas les animaux ou le surréalisme d’un monde absurde qui vont marquer John, mais bien une réalité brutale à laquelle doivent faire face tous les enfants en grandissant. Le film va même jusqu’à dénoncer la faute des pères comme cause du malheur des plus petits. Pour comprendre au mieux cette tentative de catharsis par Laughton, il faut replacer le film dans ses deux époques : sorti en 1955 (dix ans seulement après la fin de la guerre mondiale), il raconte une histoire qui se déroule au début des années 30, soit tout de suite après la plus mémorable des crises économiques. Et ce sont les enfants qui sont les victimes de toutes ces erreurs, ce sont eux qui doivent faire face à la double menace des temps difficiles et des crimes de leurs pères.

Cette figure des pères n’est d’ailleurs ni négligée ni épargnée. Le premier père, Ben Harper, commet un double meurtre ; certes, il s’agit d’aider les enfants financièrement, mais au prix d’un secret insoutenable. Vient ensuite le pasteur Harry Powell, qui se marie à Willa, la mère ; les mots ne suffiraient pas pour décrire sa cruauté et sa cupidité.

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Sans s’étendre sur la fin du film, de peur de gâcher le suspens aux lecteurs qui sont aussi spectateurs que cinéphiles, il est important de mentionner l’endurance des enfants et la force qu’ils tirent de leur capacité à apprendre et à se débrouiller. Leur innocence peut venir à bout des pires maux qui les entourent. L’hypocrisie et la haine peuvent rentrer chez elles quand John rencontre Rachel…

Dans son très bon film Mud, sur les rives du Mississippi, en ce moment au cinéma, Jeff Nichols fait preuve de la même volonté de mettre les enfants au centre, pour montrer à la fois leur puissance et leur innocence. Ces deux films sont aussi optimistes que réalistes : le combat pour l’amour ne fait que commencer et, il ne faut pas l’oublier, ceux qui sont aujourd’hui les enfants seront demain les adultes.

Théo Barbé

Juliette Besson, une rose sans épines

Par les épines – Histoire de quatre printemps, film de Romain Nicolas

 Prend-on la vie autrement que par les épines ? demandait René Char. Une question que vont se poser quatre personnages : Madame Rose (Agnès Soral), romancière fortunée et cynique, Juliette (Juliette Besson), orpheline muette et hypersensible, Rudy (Renaud Denis-Jean), beau métis surdiplômé perdu dans une ville la nuit et Marilyn (magistrale Anita Lecollinet), solitaire à la vie si organisée… Ils sont les piliers de l’histoire que raconte avec tendresse le réalisateur, Romain Nicolas. Ce sont des héros ordinaires livrés à eux-mêmes dans la jungle urbaine d’aujourd’hui et dont les chemins se croiseront  peut-être…

Juliette Besson et Renaud Denis-Jean

C’est un film d’auteur, un premier film, celui de Romain Nicolas, qui maîtrise avec une belle assurance un sujet délicat. Il ne passe que dans une salle, le Saint André des Arts. Il faut le défendre. Il faut aller le voir.

C’est aussi le premier long-métrage de quelques florentins : Juliette Besson, d’abord, séduisant mélange de fragilité et de violence, Renaud Denis-Jean, qui prête sa douceur à son personnage errant. Dans des plus petits rôles on retrouve Hugo Dillon, au charme discret et présent, Vincent Cheikh, subtile Prune. Tout ce petit monde souffre de l’un des maux du siècle dans les grandes villes : la solitude.

Ne croyez pas que vous sortirez de la salle avec le moral dans les chaussettes. Au contraire, chaque personnage trouve une solution pour s’en sortir, avec l’aide ou non du destin. Comment choisir le chemin pour faire grandir sa vie, en la prenant par les épines ? Tenter l’aventure humaine, seul ou en la partageant, telle est la leçon d’espoir de ce film. L’engagement des acteurs en intimité avec leurs rôles touche en plein cœur. En toute discrétion et en toute vérité.

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http://www.youtube.com/watch?v=cMBz3WMrTcw

Cannes, 1er clap…

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