Après dix ans d’absence, un homme encore jeune revient chez lui, parmi les siens, pour annoncer sa mort prochaine, juste sa mort. Le Pays lointain est l’histoire de ce retour – un retour en forme de voyage.
À partir de ce postulat très simple, Jean-Luc Lagarce raconte, toujours à la limite de l’autobiographie (de l’autofiction), ce que peut être une vie d’homme – brève, c’est vrai, mais vie tout de même ! La famille, les amours (toutes les amours, celles d’une minute et celles avec qui on partagea tout, presque tout), les amis, la vie d’un artiste dans son époque…
La liste serait infinie. Nous avons voulu donner à voir cette multiplicité, cette ligne fracturée que fut la vie de Louis/Lagarce. Ce spectacle est une invitation au voyage – au voyage dans la vie de Louis et dans la nôtre. Comment dire ma vie, toute ma vie ?
L’écriture de Lagarce fait penser, au premier abord, à une spirale qui finirait dans le vague. Tout pourrait se dire avec le sourire triste de la désillusion. Nous avons pris le parti d’une parole droite, nette, d’une somme infinie d’idées furtives, de pensées courtes. Le Pays lointain, dernière œuvre de l’auteur, écrite quelques mois avant sa disparition – et qui reprend la trame de Juste la fin du monde – est une œuvre dense dans laquelle nous avons sélectionné les moments qui nous ont paru les plus forts. Et nous faisons dialoguer ce poème avec le Journal que Jean-Luc Lagarce a rédigé de manière quotidienne de 1977 jusqu’à sa mort. Ce spectacle, porté par de jeunes acteurs, parlera clair.
Au-delà de sa force poétique, l’écriture de Lagarce – notre travail sur son écriture – donne l’occasion de témoigner. Il est l’auteur d’une époque, d’une génération – celle qui a vécu la fin des utopies et l’irruption brutale du SIDA, avant la trithérapie. Sans aucune nostalgie, nous voulons, à notre tour, dire et montrer cela – un temps qui appartient aujourd’hui à l’Histoire. Après nos expériences du romantisme (Musset et Lorenzaccio, Schiller et Les Brigands), nous sommes partis à la recherche d’autres temps, d’autres signes poétiques. L’hôpital. Une machine à écrire. Un vieux téléphone. Les cartes postales. Autant d’images qui font aujourd’hui partie de nos mythologies. Voilà le mot : dire nos mythologies intimes.
Jean-Pierre Garnier
Léo Cohen-Paperman
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