C’est toujours fascinant l’appétit qu’ont les enfants à vouloir qu’on leur raconte des histoires qui au fond sont absolument sordides. GV.
Nowhere. Une chambre d’hôtel, lieu banal s’il en est, de passage, un lieu qu’on loue pour une nuit et qui s’efface de la mémoire. La chambre d’hôtel porte les marques d’un faste et d’un luxe anciens. Cela pourrait se passer dans un vieil hôtel de La Havane, ou quelque part en Europe de l’Est, dans l’ex-URSS ou encore à Shangaï, en Amérique du Sud… ainsi Guillaume Vincent décrit-il son espace scénique. Cet endroit retient-il dans ses murs le souvenir de ceux qui y habitent, comme autant de revenants ou de fantômes ? Dans le beau décor naturel des Bouffes du Nord, cette chambre imaginée par le scénographe, James Brandly, s’inscrit dans son étrangeté et son mystère. Quelques personnes, des couples, une mère et son enfant, deux sœurs, un Wolfgang et une Charlotte… tout se tisse et s’entrecroise sans qu’on cherche à comprendre vraiment ce qui se joue. Cela s’impose naturellement. On est fasciné comme devant un film fantastique.
J’ai écrit cette pièce avec pour seul objectif la scène et les acteurs. Je ne me suis pas inquiété de faire de la littérature, mon objectif n’est pas d’inventer une langue.
Guillaume Vincent fréquente depuis ses débuts les grands textes. Il a monté Virginia Woolf, Jean-Luc Lagarce, Dennis Kelly, Wedekind et autre Marivaux. Ici il met en scène son propre texte, qu’on peut aussi lire aux Éditions Actes Sud et on verra que c’est plutôt bien écrit, qu’on peut le considérer aussi comme un objet littéraire. Le spectacle est très visuel, il fonctionne sur la peur, sur l’effroi, le travail sur le son est étonnant. On sent l’amour pour le cinéma, Hitchcock, bien sûr, pour l’univers cauchemardesque, souvent fantasmé et délirant, mais aussi Stanley Kubrick et David Lynch.
Je pense malgré ces références presque exclusivement cinématographiques qu’il s’agit bien en vrai d’un spectacle de théâtre et que j’ai aussi envie d’en exalter ses spécificités. J’aimerais que le décor possède les mêmes atouts magiques que les spectacles d’illusions et de magie de la fin du 19ème siècle.
Il est vrai qu’il y a du Grand Guignol dans le traitement du spectacle. Les comédiens – tous magnifiques – évoluent dans cet espace de plus en plus anxiogène, de plus en plus angoissant (le son encore une fois alimente cette impression), en jouant presque comme si cela allait de soi.
Il ne servirait à rien que d’essayer de raconter ce spectacle. Il faut y aller les yeux fermés. Guillaume Vincent et ses acteurs vous les dessilleront pour vous embarquer dans leur vaisseau magique.
FXH
Une production de La Colline – théâtre national
au Théâtre des Bouffes du Nord
réservation : 01 44 62 52 25
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