Alain Françon sait admirablement lire le théâtre d’Ibsen. L’auteur norvégien a jalonné sa carrière de metteur en scène. Il s’attaque aujourd’hui à l’une des dernières pièces de l’auteur. Ibsen revient en Norvège après quelque vingt ans d’absence. On l’accueille en héros et en même temps il est confronté à la critique de la jeune génération qui cherche des formes nouvelles.
Solness est arrivé à l’apothéose de sa carrière de constructeur. Il se présente solide comme un roc, barricadé de certitudes. Une jeune fille, Hilde, rencontrée dix ans auparavant, va bouleverser cette existence et en saper les fondements.
« Il y a un tragique quotidien qui est bien plus réel, bien plus profond et bien plus conforme à notre être véritable que le tragique des grandes aventures », écrit Maeterlink dans Le Trésor des humbles. Comme Hedda et Nora, ses grandes sœurs, Hilde révolutionne la petite vie provinciale et bourgeoise de Solness et de son épouse. Comme elles, la soif d’absolu commande ses actions. Elle est libre et avance tête baissée, comme un bélier, pour casser l’édifice dans lequel s’est enfermé confortablement le héros de son cœur.
Dans ce rôle, Adeline D’Hermy fait merveille. Elle a déjà rencontré son metteur en scène à la Comédie-Française dans La Trilogie de la Villégiature. Ce deuxième rendez-vous rend justice à son immense et tout jeune talent. Elle irradie le plateau et elle danse le rôle à la manière d’une Isadora Duncan. Elle s’engage, échevelée et farouche, et torpille la société figée représentée par les acteurs. Les habitués de la Colline retrouvent avec plaisir Dominique Valadié qui, dans Aline, la femme de devoir et d’obligation, fait frissonner la salle quand elle parvient à livrer un peu de sa vérité. Vladimir Yordanoff, dans Solness, exprime toute l’ambiguïté et la torture de cet homme tombé qui rêve son vol d’Icare. Et les autres Michel Robin, en tête, dans une courte scène, sont à l’unisson des exigences du metteur en scène, et Adrien Gamba-Gontard, et Agathe L’Huillier.
On ne saurait trop louer également le décor de Jacques Gabel et les lumières de Joël Hourbeigt, fidèles collaborateurs d’Alain Françon, qui décidément, et on pourrait dire définitivement, signe toujours un travail impeccable.
FXH
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