Le Blog du Cours Florent

Théâtre

La Tête des autres et le goût du scandale au Théâtre du Vieux-Colombier – Comédie-Française

La Tête des autres et le goût du scandale au Théâtre du Vieux-Colombier – Comédie-Française

Heureuse idée de faire entendre aujourd’hui  le texte de Marcel Aymé. Il n’a rien perdu de son soufre. Créé en 1952, à l’Atelier, par André Barsacq, grand découvreur de talents,        La Tête des autres, brûlot contre la peine de mort et critique véhémente d’une certaine justice, déclencha un joli scandale, doublé d’un grand succès. Et curieusement un silence de soixante ans…

Comme Alfred Jarry qui situe son Ubu dans une Pologne irréelle, Aymé choisit la Poldavie, par conséquent nulle part, pour mieux se déchaîner sur ce qu’il condamne, pour se sentir plus libre dans ses attaques mordantes. Il y parvient et les dialogues sont juteux à souhait, l’intrigue admirablement conduite avec nervosité et la construction admirable : un canevas de boulevard mâtiné de drame bourgeois et saupoudré de fantastique. Que demander de plus ? Juste une question : pourquoi laisse-t-on Marcel Aymé dans les placards ?

Le procureur Maillard (savoureux Nicolas Lormeau) revient chez lui  et fête son triomphe avec son confrère Bertolier (Alain Lenglet impeccable et raide). Il a obtenu au tribunal la tête d’un musicien de jazz, Valorin, assassin présumé d’une vieille dame. Or, ce dernier fait irruption dans la pièce pour clamer son innocence et révéler des vérités compromettantes pour l’honneur de son justicier…

gp1213_tetedesautres

Lilo Baur, après avoir monté avec succès au Vieux-Colombier Le Mariage de Gogol avec les Comédiens-Français, revient sur les lieux de son crime. Elle offre à la pièce un écrin idéal, un décor de film noir des années 50 à l’américaine. La musique, très jazzy, pour évoquer le métier de Valorin, souligne les moments forts avec esprit. Les comédiens présentent une galerie de personnages tout droit sortis de cet univers. Ils nous font jouer aux ressemblances. Le héros malchanceux, le dit Valorin, dont on va couper la tête, c’est Laurent Lafitte. Il trouve ici son premier grand rôle dans la troupe et il est là où l’attend, dans l’excellence de ses moyens. Il évoque les Cary Grant ou James Stewart avec une belle évidence.

Dans de telles histoires, il faut un affreux, un méchant, un monstre. C’est Serge Bagdassarian qui s’y colle avec volupté et il fait penser au Lee J. Cobb des grands jours.

Et puis Marcel Aymé a particulièrement soigné son duo de dames, les épouses contrastées des deux procureurs. La première, Juliette Maillard, est la femme-mère, stéréotype de la bourgeoise de l’après-guerre. Véronique Vella, toute en retenue et en abandon mêlés, se meut allègrement avec le talent d’une Claudette Colbert. La seconde, Roberte Bertolier, ou la femme-putain, est plus fatale. C’est elle qui ajoute du piment à l’intrigue, c’est elle par qui le scandale peut arriver, c’est elle qui enfièvre les passions mâles et pousse ses victimes à la déraison en risquant sa propre chute. Elle, c’est Florence Viala, réincarnation parfaite de Lana Turner, qui trimballe sa langueur en scène avec une élégance de panthère.

Allez découvrir Marcel Aymé, venez écouter la parole vivace de cet écrivain de génie nous raconter que les vices des hommes survivent – mais oui ! – et, même si la peine de mort a disparu en France depuis longtemps, la fable de La Tête des autres résonne encore… et terriblement !

FXH

« Mais vous pleurez, Milord ! »

Quentin Mermet, élève de 3ème année et universitaire à ses heures, s’empare du blog pour y déverser une part des pensées qui l’agitent en un long tunnel, mais qui mérite d’être traversé. Je dirais même plus, engagez-le dans votre gueuloir personnel et allez-y de votre voix et de votre… émotion.

Celle-là est celle qui se fait attendre… On l’attend ! de pieds fermes !… Celle-là ! la Larme ! le flot ! la cascade lacrymale sur épiderme facial !… On croit l’attendre. On croit que son advenue constituera l’antidote à tous nos maux… Alors, on l’attend… Et elle finit par arriver, la vilaine ! la salée ! Elle finit par daigner entrer en scène, par faire son apparition éphémère et distinguée… Est-elle suivie par d’autres ? des voisines ? des consœurs de contrition ?… Disons que cela est finalement le cas, que l’effusion est au rendez-vous, là, à cet instant précis, balayant toute considération annexe et superficielle pour se fondre en pleurification éternelle. Bravo ! Magnifique ! Splendide !… Mais après ? Est-ce tout ?… C’est bien court, bien fadasse ! Qu’avait-elle donc – entend-on alors murmurer – qu’avait-elle donc à geindre ainsi, comme une vulgaire chienne dont on aurait noyé les petits, si tout ce qu’il nous en est proposé n’est qu’une face ruisselante et morveuse ? (questionnement légitime)… Et l’émotion dans tout ça ? l’émotion ? « Émotion », ça y est le mot est lâché ! La sentence ! l’ultime subjection !… Eh bien, kopek ! mes frères ! Pas le moindre bout d’un tiers de quart d’une parcelle de sensation quelconque ! Ça tient du mystérieux ! de l’étrange et du pathétique ! Le pathétique, là, on y est ! et dans le cœur ! dans le juteux du pathos et tous ses artifices ! Mais cela suffit-il ?… Qu’est-ce qu’une larme ? Une goutte, seulement. Un agglomérat moléculaire ! En vérité, la chialure n’a de distinct d’avec l’éjaculation que la non-séminalité de sa composition. Le sperme, lui, a l’avantage de la fertilité !… Mais n’avons-nous pas entendu répéter, par l’entremise d’une multitude de bouches anonymes, que les pleurs s’acoquinaient aisément, voire intrinsèquement, à l’émotion ? Cela n’est-il pas le plus commun des lieux communs ?… Mais le fait est que par ce fin raisonnement syllogistique, on en vient à confondre le moyen de la fin. Grave erreur ! Erreur gravissime car récidivée ! Que l’actrice soit émue (usons d’un exemple féminin tout à fait fortuit), que l’actrice en vienne aux larmes, en vienne à la suppuration purgative des ses glandes lacrymales par la stérile masturbation de ses schèmes sensori-moteurs, qu’importe ! Qu’importe ! A-t-on décemment payé pour assister à pareil spectacle ? à l’exhibition de la si convenue défaillance de quelque comédienne éplorée en mal d’introspection post-œdipienne de son « moi » profond, qu’elle redoute de laisser trop ingénument (trop duras-sement) aux talents de celui qu’elle nomme son « amant », l’un de ses « amants », l’un de ses fervents partenaires sexuels non syndiqués qu’elle aime appeler ses « amants », faute de ne savoir ni leur nom ni ce qu’est l’amour… A-t-on payé pour « ça », mes amis ? pour cette interminable plainte suintante et lénifiante ? Ou comme le dirait Alfred de Musset : « Crois-tu donc que je sois comme le vent d’automne, / Qui se nourrit de pleurs jusque sur un tombeau, / Et pour qui la douleur n’est qu’une goutte d’eau ? »… En réalité, tout cela ne relève que d’un odieux narcissisme, tout ce qu’il y a de plus consommé et de plus consensuel, énième éructation de ce paradigme moderne de l’hégémonie de la performance et de l’ostentation ! Ce qui compte aujourd’hui, c’est la matière ! la matière seule ! Le reste aux cochons, ma vieille ! et qu’on cesse de discourir sur le néant… Le « pathos » n’est que la suprême forme du dégoût. Suprême car excessive, impudique et obscène ! Excès qui n’a de « sens » et d’existence que par le viol de l’intimité, cédant finalement sous les accès répétés de ce halètement poussif et fébrile ! Vagissement simiesque !… Que tout ceci est des plus tristes, et des plus bas, et des plus bêtes, et des plus lourds.

L’émotion est, de suite, séquestrée par l’intrépide interprète qui n’a plus d’autre souci que de se gargariser les oculaires avec ersatz de passions et simulacres de fièvre ! C’est l’amalgame ! l’amalgame tragicomique entre ce que doit ressentir le spectateur d’un côté, et de l’autre l’acteur lui-même. La fin et le moyen dont je vous parlais, ils se posent exactement là, entre la honte et l’oubli. Oubli de ne plus savoir pourquoi ! pourquoi tout ce grotesque ! Honte, de ne plus savoir jouer pour l’autre !… A force de parler de quatrième mur, on a fini par y accrocher un miroir dans lequel on se contente de se regarder palabrer. Honte, de ne plus voir, face-public, que la familière image de sa propre personne, plus que soi-même dans la plus pénible des crudités ! Qu’il n’y a que « moi » à satisfaire, et personne d’autre ! Point de don ! Point de générosité ! Ultime extase égotiste et solitaire ! Car comme le dit Roland Barthes : « En pleurant, je veux impressionner quelqu’un, faire pression sur lui. Ce peut être l’autre que l’on contraint ainsi à assumer ouvertement sa commisération ou son insensibilité, mais ce peut être aussi soi-même : je me fais pleurer, pour me prouver que ma douleur n’est pas une illusion : les larmes sont des signes, non des expressions. »… L’on peut, de la sorte, par les larmes, signifier la douleur et la lamentation. Signifier, certes oui. Mais signifier n’est pas tout. Signifier n’est qu’un des régimes possibles de la représentation ; c’est se désigner soi-même, interprète, comme « être souffrant », se le représenter ça, et le donner à voir le plus simplement du monde. « Je suis l’homme/la femme en larmes devant vous. Contentez-vous de m’appréhender en tant qu’entité traversée d’affliction, ne me jugez pas », voilà ce qui doit être muettement entendu, « ne vous sentez pas obligés de vous abaisser à vous complaire pitoyablement dans les méandres de cette obscure lubie néo-moderno-ludo-victimaire qu’est l’illusion empathique et compassionnelle (dont certains, à l’heure actuelle, on fait un fond de commerce florissant) »… Mais de cela, nous ne faisons que rarement le constat… Je suis bien conscient que les plus malins me rétorqueront que l’ultra-sensibilité, voire la féminisation généralisée, fut une valeur plus que positive au dix-huitième siècle, siècle ô combien reconnu pour sa propension à n’avoir su féconder que des esprits dégénérés de rationalisme oligarchique que l’on a très ironiquement regroupé sous l’appellation d’origine incontrôlée : « les Lumières ». Alors, que vous preniez exemple sur notre fierté nationale panthéonisée le tragédien négrier et trafiquant d’armes Voltaire, grand bien vous fasse ; mais ne croyez pas que cette triste période décadente dont l’action s’est résumé à convertir quelques larmes bourgeoises en bain de sang bleu conduisant irrémédiablement à la prise de pouvoir de ce nouveau Dieu qu’est la philosophie utilitaro-capitaliste dont nous sommes les héritiers directs, soit le plus admirable des modèles… Aujourd’hui, « Théâtre » semble avoir subi une mutation sémantique impalpable.

Du mot, je parle, du mot « théâtre ». De son étymologie plus précisément, « teatron » en grec : « l’endroit où/d’où l’on voit », terminologie qui présupposerait logiquement que l’on montre quelque chose sur scène, que l’on désigne, que l’on offre à l’attention de spectateurs avisés et éveillés quelque objet scénique aussi piteusement dramatique qu’il suffit qu’il soit pour être considéré aujourd’hui comme relevant du « Théâtre » (acception contemporaine du terme qui balaie un champ de possibles aussi large que flou)… Désormais, on exhorte l’émotion ! on quémande l’émotion ! on marchande l’émotion ! on se prostitue outrageusement à grands renvois de déchets visuels et sonores avec lesquels on badigeonne la face du public dans l’espoir d’obtenir, par ce biais, ne serait-ce qu’une once d’émotion (n’est-ce pas, M. Mouawad ?)… Justesse. Justesse, mes camarades. Je vous en prie, un peu plus de justesse pour nettement moins de chantage et de racolage. Seule la justesse de l’intention. Une parole adressée et juste. Juste adressée, sans arrière pensée. Et advienne que pourra… L’on n’a décidément jamais vu l’Emotion se reproduire par contagion… Et Paul Valéry pour conclure : « La voix humaine me semble si belle intérieurement, et prise au plus près de sa source, que les diseurs de profession presque toujours me sont insupportables, qui prétendent faire valoir, interpréter, quand ils surchargent, quand ils débauchent les intentions, altèrent les harmonies d’un texte, et qu’ils leur substituent leur lyrisme au chant propre des mots et des chants combinés. »

Quentin Mermet

Rencontre avec Brigitte Descormiers

Brigitte Descormiers est agent artistique depuis douze ans. Elle a d’abord été élève en Classe Libre puis professeur de théâtre et chargée des relations publiques au Cours Florent. Interview réalisée par Michèle Harfaut.

Portrait de Brigitte Descormier

 

Quel est le rôle d’un agent, aujourd’hui ? Subit-il de nouvelles influences ?

Le travail de l’agent s’est un peu resserré sur les difficultés contractuelles de négociation pure et dure et sur le droit à l’image des artistes. J ‘ai de plus en plus souvent besoin d’un  bon avocat spécialisé dans le domaine de la propriété intellectuelle  pour éviter toute ambiguïté sur les contrats. Les nouvelles technologies, internet ont multiplié les réseaux de diffusion. Mais le travail de l’agent reste toujours le même. Avant, on  se déplaçait avec nos books dans les maisons de production pour rencontrer les directeurs de casting, ou bien les directeurs de casting venaient à l’agence voir les books des acteurs. Maintenant les sites internet nous permettent d’être vus par  n’importe qui sans même qu’on le sache. On peut aussi diffuser les dossiers de nos artistes à la seconde  après une discussion téléphonique avec un directeur de casting ou un réalisateur. Avant, tout prenait beaucoup plus de temps. Le rapport était peut-être plus humain, mais à chacun de restaurer la parole dans nos échanges.

Comment fonctionne le métier d’agent ?

Tout d’abord, il faut choisir des artistes (j’ai aussi, dans mon équipe des auteurs et des réalisateurs) avec qui on a envie de travailler. Je fonctionne au coup de cœur et je ne fais pas de distinction entre mes goûts professionnels et mes goûts personnels. Ensuite, il faut répondre à la demande de la profession : téléphoner aux directeurs de casting ou aux maisons de production pour connaître les projets, pour comprendre les profils recherchés et consulter les annonces des réseaux d’information dont disposent les gens de ma profession.

Ensuite, pour ce qui est des acteurs, il faut proposer ceux qui semblent correspondre et aussi ceux qui ne correspondent pas tout à fait, mais dont les compétences pourraient apporter quelque chose au rôle.

Tu fonctionnes au coup de cœur et tu espères que tes goûts correspondront aux impératifs du métier ?…

Je n’aurais pas fait ce métier pendant 12 ans, si je n’avais pas, malgré tout  conscience de la demande. Je dois être à l’affût des tendances. Ces tendances se dégagent dans l’écriture des scénarios, mais ce n’est pas ce qui guide mes choix. Et puis, nous aussi, agents, nous créons les tendances avec les acteurs que nous défendons. Michaël Youn, Grégoire Leprince Ringuet, Pierre Niney, Julien Baumgartner, Benjamin Lavernhe ou Alice Isaaz pour parler notamment d’anciens de l’Ecole Florent, je les ai tous choisis parce que je croyais en eux. Ils ont passé des castings, eu la chance de rencontrer un rôle  qui les a révélés. Parfois, même, ils sont devenus incontournables, simplement parce qu’ils ont été mis en lumière. On espère que notre enthousiasme vis à vis d’un acteur sera partagé.

Tous les agents fonctionnent comme ça ?

Oui… Bien sûr il y a des gens qui ont un raisonnement froid et mercantile, mais on ne construit pas une équipe et une réputation avec ce type de fonctionnement.

T’est-il déjà arrivé de regretter tes choix ?

Oui J’ai pris une fois, une jeune actrice qui m’avait été recommandée par un casting. Je n’avais pas vu grand chose d’elle.  Elle était loin d’être mauvaise, mais je n’étais pas convaincue. Pour faire plaisir à la personne, j’ai décidé de tenter l’aventure. Ça n’a pas fonctionné. Je n’arrivais pas à trouver le moyen de parler d’elle, je ne trouvais pas l’accroche. A talents égaux, on ne sait pas pourquoi on préfère tel acteur. C’est comme en amour, ou en amitié : c’est insaisissable et magique. Maintenant je suis mon instinct et pour l’instant, il ne m’a pas trop trompée.

Tu as déjà eu un coup de cœur qui n’a pas été partagé par les gens du métier ?

Oui, et malheureusement ça arrive souvent.  Il y a les auditions, les castings et la part de sympathie, de chance, de sociabilité. Il faut que l’acteur arrive à comprendre le travail que lui-même doit faire par rapport à la profession. C’est un métier de relations humaines. Oui, il y a des acteurs qui n’arrivent pas à comprendre ça.  Il y en a aussi pour qui la chance n’est pas au rendez vous. C’est injuste. La décision finale appartient à beaucoup de gens. Ce n’est pas le réalisateur qui choisit. Il donne un avis personnel conforté ou non, par la production. La production est ensuite confortée par le diffuseur (les chaines de télévision). Ce sont les diffuseurs qui décident (même pour les deuxièmes ou troisièmes rôles), parce qu’ils donnent l’argent. L’ acteur qui sera pris ne sera pas forcément celui qui aura fait le meilleur essai, mais celui qui correspondra à ce que la ménagère attend du physique, de la série ou du téléfilm. Il y a un formatage. On dit souvent : « c’est un acteur TF1…  ce n’est pas un acteur Francetélévisions… c’est un acteur canal+ »… Même chose pour les réalisateurs. Au cinéma, on sait qu’il faut des acteurs bankable pour financer le film. Ce que j’essaie de faire comprendre aux artistes avec lesquels je travaille, c’est que je les choisis parce qu’ils m’intéressent, mais je ne suis pas sûre d’être suivie. L’acteur doit m’aider. Il doit faire en sorte qu’on ait envie de le choisir, donc être un vrai professionnel, apprendre son texte, être à l’heure aux rendez-vous, donner envie, être humble, travailler.

L’acteur et l’agent se doivent-ils quelque chose ?

Un contrat donne des droits et des devoirs à chacun, mais personne n’a d’obligation de résultat. Certains acteurs, dans mon agence, n’ont pas travaillé pendant deux ou trois ans, mais les retours que me faisaient les castings étaient positifs. On me disait : «  doit grandir…doit vieillir…sera plus intéressant dans cinq ou six ans… ». La chance n’est pas là pour tout le monde au même moment.

Tu as des retours de la part des castings ?

Parfois, et c’est comme ça qu’on arrive à faire évoluer le travail. On se renseigne, aussi.

Est-ce indispensable d’avoir un agent ?

Certains acteurs arrivent très bien à travailler sans agent parce qu’ils se renseignent, appartiennent à des familles, vont dans des festivals, ont une sociabilité naturelle, diffusent leurs cv.  Mais pour passer un cap de rôles, c’est important d’être référencé. C’est plus rapide et plus pratique pour un casting ou un réalisateur de s’adresser à un agent. Nous sommes une caution et nous aidons  les castings à répondre à la demande des réalisateurs.

Un agent peut-il être contourné par la production ?

Les producteurs peuvent nous considérer comme des obstacles. Nous sommes là pour guider  et comprendre l’artiste dans ses choix, lui éviter d’accepter des rôles qui pourraient le desservir à long terme, obtenir une rémunération juste et étudier tous les points litigieux du contrat. Notre rémunération est de dix pour cent des contrats négociés. Quand on négocie un contrat à la hausse, on négocie une commission à la hausse. Mais c’est toujours l’acteur qui me donne son aval au final. Si l’acteur accepte d’être payé moins, je le serai moi aussi. Je n’ai jamais dit à un acteur de faire un film pour de l’argent.

Quel genre d’acteurs choisis-tu ?

J’ai tendance à dire aux gens qui me démarchent que j’aime les acteurs monstrueux, baroques. Je n’aime pas beaucoup les natures ou ceux qui ont un jeu naturaliste. Ils me séduiront peut-être sur un film mais ça n’ira pas plus loin. Il faut me séduire, m’étonner, me surprendre. La manière dont un acteur travaille, le voir évoluer, se sculpter de manière différente à chaque fois, voilà ce qui m’intéresse. J’aime aussi l’idée que  notre collaboration va durer, c’est pourquoi je ne prends jamais les gens à l’essai. Je m’engage sur le long terme.

Tu as déjà pris quelqu’un à cause de son physique ?

Non, je ne suis pas une agence de mannequins.

Qu’est-ce qui à tes yeux pourrait empêcher quelqu’un de devenir acteur professionnel?

Je ne peux rien dire de définitif là-dessus, mais il y a des gens qui nous démarchent, rien qu’à les entendre au téléphone, on sait qu’on n’aura pas envie de les vendre ou qu’ils seront incapables de conquérir l’attention d’un professionnel. Ils sont trop fragiles, trop timides et on sent que cette timidité ne sera pas sublimée par le jeu. Un réalisateur n’aura pas envie de passer un mois de tournage avec quelqu’un qui perd ses moyens,  qui a peur (la mauvaise peur),  qui manque de souplesse, qui n’est pas immédiat, spontané. Il faut qu’il sente que l’acteur sera à l’aise avec lui, avec une équipe, qu’il apportera son univers, qu’il n’aura pas besoin d’être tout le temps dirigé. Sur un tournage ou sur un plateau de théâtre,  on  n’est plus à l’école.

Interview réalisée par Michèle Harfaut.

Commentaires récents

37/39 avenue Jean jaures, 75019 Paris
Tel: 01 40 40 04 44
Site Web: www.coursflorent.fr