Le 15 mai 2012 /
Théâtre /
Commentaires fermés sur Thierry Hancisse : l’humanisme revendiqué
C’est une belle leçon d’humanité que Thierry Hancisse a donné lundi dernier sur la scène du théâtre du Vieux-Colombier. Interrogé par Olivier Barrot dans le cadre d’ «Écoles d’acteurs», devant une salle quasi comble, pendant plus d’une heure il a égrené ses vérités sur le métier et sur sa maison d’adoption, la Comédie-Française.
Cette maison qui adopte de plus en plus de belges, « la cohorte des wallons », a souligné, amusé, Olivier Barrot. C’est à Liège que Thierry débute le théâtre tout en suivant l’Académie des Beaux-Arts. Il y rencontre des camarades, passionnés par le théâtre français. Il se dit avec ingénuité que la Comédie-Française lui ouvrira ses portes sans difficultés. Il n’avait pas tort
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Crédit photo : Brigitte Descormiers
Arrivé à Paris avec sa compagne, il s’inscrit au cours Florent, est reçu dans la foulée à la Classe libre. Yves Gasc le remarque. Il refuse de passer le Conservatoire, mais y donne beaucoup de répliques au concours d’entrée. Jean-Luc Boutté, autre sociétaire éminent, le remarque à son tour.
Jean Le Poulain, alors administrateur, fait confiance à ses deux camarades et l’engage, après qu’il eut fait de la figuration dans une mise en scène de … Jean-Luc Boutté.
Thierry Hancisse se sent comme un poisson dans l’eau dans cette auguste maison, comme « une frite dans la graisse » (humour belge !). « J’étais sans doute moins formé que certains de mes camarades, aussi on me considérait comme un électron libre dans l’espace magique du théâtre, ce qui m’allait très bien. »
En vingt-cinq ans, il voit les changements : «Je ne supportais pas l’esprit clanique qui régnait à mes débuts, qui engendrait des complications dans les échanges, des prises de position violentes. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. On le doit beaucoup à Muriel Mayette qui est sortie des créneaux habituels d’engagement. La troupe est rajeunie et plus homogène. On y pratique davantage l’entraide et le partage.»
Il aime les gens, les acteurs. «Avec un acteur on entre dans l’intime, à la recherche de la pâte humaine. On a envie de goûter à cette pâte. C’est un métier qui me va, car on est obligé d’aller à la rencontre de l’autre, l’acteur et le public, contrairement au one-man-show, qui ne s’occupe que du public, ce qui pour moi le rend bancal. La nécessité de s’entendre sur un projet fait qu’on peut jouer avec des gens qu’on n’aime pas particulièrement. Cette acceptation dans l’engagement peut opérer aussi un renversement d’avis sur ses partenaires, aller plus profondément à la découverte de quelqu’un. Je ne suis jamais envieux d’un camarade, mais je peux être envieux du rôle d’un camarade. Cela passe et je suis heureux pour lui. J’aurais aimé jouer Peer Gynt, mais c’est Hervé Pierre que s’y colle et il le fait très bien.»
Son grand choc théâtral fut Anatoli Vassiliev, qui l’a mis en scène dans Amphitryon. «Au début, je ne comprenais rien. Il a fallu chercher, chercher encore pour trouver l’esthétique vocale et corporelle du spectacle. Ses demandes semblaient à la fois simples et colossales. La répétition est un laboratoire. Vassiliev ne voudrait que répéter, d’ailleurs il se débrouille pour ne pas finir ses mises en scène, il ne le supporte pas. La répétition est un moment intime, parfois douloureux, c’est une construction pleine et fascinante. L’acteur, en représentation, est lié inconsciemment avec le spectateur, qui ressent peut-être les traces laissées par les recherches des répétitions.»
Et puis vient la question du trac : «Pour moi, ce n’est pas le texte, ni le jeu, tout cela est réglé lors des répétitions. Le plus difficile est d’être disponible et vrai dans son engagement pour être à la hauteur de ce que le spectateur attend. Le droit à la transparence que l’on doit au spectateur. C’est mon credo et je me pose sans arrêt la question que me posait Jean-Luc Boutté : de quel droit fais-tu ce métier?»
Olivier Barrot lui fait part de son impression de spectateur en lui déclarant qu’il est un acteur rassurant. «Sans doute, c’est que je suis ancré, et libre. Paradoxalement, plus on est libre, plus on tient la ligne. Le soir, je m’approche du théâtre, sans y entrer vraiment. Je préfère rester un moment sous les arcades du bistro, c’est ici que je fais le calme. Je ne pense à rien. Plus on entre vide en scène plus on se charge vite. Je cherche plus la détente que la tension. Il me semble que je suis un acteur homogène. Assidu et attentif à rester sur la ligne voulue part le metteur en scène et à restituer le travail de répétitions. Cela se traduit par une énergie et une exigence, c’est primordial quand on joue le rôle principal, comme dans L’École des femmes.»
«Ce que j’admire chez un comédien, c’est l’intégrité. J’apprécie le comédien et j’admire l’humain. J‘aime les rôles qui vont à la mort, un rôle est un raccourci de la vie. La mort, je l’envisage toujours dans mon travail d’acteur, pour lui donner une dimension sacrée. C’est évident quand on joue La Vie est un songe, mais ça l’est aussi dans Un fil à la patte, qui est un désir de mort burlesque. Pour moi, le théâtre est la vraie vie. Je ne me sens pas différent sur scène que dans la vie, j’éprouve les mêmes sentiments. Tout théâtre se mérite, c’est un travail, c’est une activité émotionnelle, cérébrale partagée.»
Merci, cher Thierry, pour ce moment de partage et de vérité.
FXH
France Culture diffusera l’intégralité de l’entretien au mois d’août.
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