Le Blog du Cours Florent

Théâtre

La mémoire de Jean-Louis Trintignant.

Pour Philippe Landoulsi, il est le meilleur acteur de sa génération, le plus inventif, le plus inattendu surtout.

Inattendu, il l’est dans ce long entretien avec André Asséo qui constitue comme un livre de souvenirs.

Les souvenirs d’un acteur, c’est toujours intéressant, quand il sait les raconter bien entendu. Avec lui, on est servi, il ne manie pas la langue de bois. Sans être sulfureux, il est d’une franchise absolue, sur sa carrière et tous ceux – et ils sont légion – qu’il a côtoyés : de Lelouch à Bertolucci, d’Audiard à Kieslowski, de Rohmer à Truffaut… Sans compter les actrices, Catherine Deneuve, Anouk Aimée, Brigitte Bardot, Romy Schneider, …

Il en parle avec amour, avec admiration parfois, mais il égratigne aussi souvent. On sent qu’à la fin de sa vie, il peut s’ouvrir sur le métier, qu’il n’aime plus beaucoup, mais qu’il continue à faire contre sa volonté parfois. Il n’a pu résister, lui qui affirmait ne plus vouloir faire du cinéma, à tourner dans le dernier film de Michael Hanecke avec Emmanuelle Riva et Isabelle Huppert. On le sent heureux d’avoir désobéi à sa promesse.

La poésie l’occupe beaucoup, Prévert, Rimbaud, et puis Apollinaire qu’il a beaucoup lu avec sa fille, Marie. Marie, l’amour et la douleur de sa vie, il l’évoque au passage, dans une pudeur tragique. L’idée de la mort n’est jamais très loin, elle l’accompagne aujourd’hui, comme à l’heure où il se livrait à la compétition automobile.

Il livre aussi de belles réflexions sur l’acteur, mais sans donner de leçons, ce n’est pas un théoricien. C’est un artiste, un écorché – une sensibilité à fleur de peau –  et un jouisseur – il aime le vin, les femmes et les feux de cheminée, qui propose un rendez-vous avec ses lecteurs.  Ce serait péché de ne pas aller à sa rencontre.

FXH

 

Jean-Louis Trintignant

Du côté d’Uzès

Entretiens avec André Asséo

Editions du Cherche Midi

Thierry Hancisse : l’humanisme revendiqué

C’est une belle leçon d’humanité que Thierry Hancisse a donné lundi dernier sur la scène du théâtre du Vieux-Colombier. Interrogé par Olivier Barrot dans le cadre d’ «Écoles d’acteurs», devant une salle quasi comble, pendant plus d’une heure il a égrené ses vérités sur le métier et sur sa maison d’adoption, la Comédie-Française.

Cette maison qui adopte de plus en plus de belges, « la cohorte des wallons », a souligné, amusé, Olivier Barrot. C’est à Liège que Thierry débute le théâtre tout en suivant l’Académie des Beaux-Arts. Il y rencontre des camarades, passionnés par le théâtre français. Il se dit avec ingénuité que la Comédie-Française lui ouvrira ses portes sans difficultés. Il n’avait pas tort.

Crédit photo : Brigitte Descormiers

Arrivé à Paris avec sa compagne, il s’inscrit au cours Florent, est reçu dans la foulée à la Classe libre. Yves Gasc le remarque. Il refuse de passer le Conservatoire, mais y donne beaucoup de répliques au concours d’entrée. Jean-Luc Boutté, autre sociétaire éminent, le remarque à son tour.

Jean Le Poulain, alors administrateur, fait confiance à ses deux camarades et l’engage, après qu’il eut fait de la figuration dans une mise en scène de … Jean-Luc Boutté.

Thierry Hancisse se sent comme un poisson dans l’eau dans cette auguste maison, comme «  une frite dans la graisse » (humour belge !). « J’étais sans doute moins formé que certains de mes camarades, aussi on me considérait comme un électron libre dans l’espace magique du théâtre, ce qui m’allait très bien. »

En vingt-cinq ans, il voit les changements : «Je ne supportais pas l’esprit clanique qui régnait à mes débuts, qui engendrait des complications dans les échanges, des prises de position violentes. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. On le doit beaucoup à Muriel Mayette qui est sortie des créneaux habituels d’engagement. La troupe est rajeunie et plus homogène. On y pratique davantage l’entraide et le partage.»

Il aime les gens, les acteurs. «Avec un acteur on entre dans l’intime, à la recherche de la pâte humaine. On a envie de goûter à cette pâte. C’est un métier qui me va, car on est obligé d’aller à la rencontre de l’autre, l’acteur et le public, contrairement au one-man-show, qui ne s’occupe que du public, ce qui pour moi le rend bancal. La nécessité de s’entendre sur un projet fait qu’on peut jouer avec des gens qu’on n’aime pas particulièrement. Cette acceptation dans l’engagement peut opérer aussi un renversement d’avis sur ses partenaires, aller plus profondément à la découverte de quelqu’un. Je ne suis jamais envieux d’un camarade, mais je peux être envieux du rôle d’un camarade. Cela passe et je suis heureux pour lui. J’aurais aimé jouer Peer Gynt, mais c’est Hervé Pierre que s’y colle et il le fait très bien.»

Son grand choc théâtral fut Anatoli Vassiliev, qui l’a mis en scène dans Amphitryon. «Au début, je ne comprenais rien. Il a fallu chercher, chercher encore pour trouver l’esthétique vocale et corporelle du spectacle. Ses demandes semblaient à la fois simples et colossales. La répétition est un laboratoire. Vassiliev ne voudrait que répéter, d’ailleurs il se débrouille pour ne pas finir ses mises en scène, il ne le supporte pas. La répétition est un moment intime, parfois douloureux, c’est une construction pleine et fascinante. L’acteur, en représentation, est lié inconsciemment avec le spectateur, qui ressent peut-être les traces laissées par les recherches des répétitions.»

Et puis vient la question du trac : «Pour moi, ce n’est pas le texte, ni le jeu, tout cela est réglé lors des répétitions. Le plus difficile est d’être disponible et vrai dans son engagement pour être à la hauteur de ce que le spectateur attend. Le droit à la transparence que l’on doit au spectateur. C’est mon credo et je me pose sans arrêt la question que me posait Jean-Luc Boutté : de quel droit fais-tu ce métier?»

Olivier Barrot lui fait part de son impression de spectateur en lui déclarant qu’il est un acteur rassurant. «Sans doute, c’est que je suis ancré, et libre. Paradoxalement, plus on est libre, plus on tient la ligne. Le soir, je m’approche du théâtre, sans y entrer vraiment. Je préfère rester un moment sous les arcades du bistro, c’est ici que je fais le calme. Je ne pense à rien. Plus on entre vide en scène plus on se charge vite. Je cherche plus la détente que la tension. Il me semble que je suis un acteur homogène. Assidu et attentif à rester sur la ligne voulue part le metteur en scène et à restituer le travail de répétitions. Cela se traduit par une énergie et une exigence, c’est primordial quand on joue le rôle principal, comme dans L’École des femmes

«Ce que j’admire chez un comédien, c’est l’intégrité. J’apprécie le comédien et j’admire l’humain. J‘aime les rôles qui vont à la mort, un rôle est un raccourci de la vie. La mort, je l’envisage toujours dans mon travail d’acteur, pour lui donner une dimension sacrée. C’est évident quand on joue La Vie est un songe, mais ça l’est aussi dans Un fil à la patte, qui est un désir de mort burlesque. Pour moi, le théâtre est la vraie vie. Je ne me sens pas différent sur scène que dans la vie, j’éprouve les mêmes sentiments. Tout théâtre se mérite, c’est un travail, c’est une activité émotionnelle, cérébrale partagée.»

Merci, cher Thierry, pour ce moment de partage et de vérité.

                                            FXH

France Culture diffusera l’intégralité de l’entretien au mois d’août.

Interview de Jeanne Sicre

Jeanne Sicre est comédienne et chanteuse lyrique. Elle a suivi les cours du conservatoire du 16ème. Elle joue dans Robert Plankett (jusqu’au 11 mai au théâtre des Abbesses), s’est chargé du travail vocal au cours des répétitions et a arrangé pour l’occasion, un bout du trio op100 de Schubert pour quatre voix.

Michèle Harfaut : Les collectifs sont à la mode. C’est quoi, un collectif par rapport à une troupe ou une compagnie? (Il me semblait qu’un des critères était l’absence de metteur en scène…)

Jeanne Sicre : Effectivement, je pense qu’un collectif, par définition, fonctionne en tout de manière collective (mise en scène, jeu, voire administration…). Notre cas est un peu particulier, nous travaillons de manière « collective », nous cherchons ensemble, analysons, discutons beaucoup à la fois de l’écriture du texte, de la mise en scène, du jeu, de la construction, etc… Mais Jeanne Candel. est la metteuse en scène du projet, c’est elle qui nous a réunis, a proposé une méthode de travail, un thème, et prend les décisions finales.

M.H. : Quelle a été votre méthode de travail? Peut-on avoir un ou deux exemples concrets de l’évolution du travail et qui témoigneraient du processus de création?

J.S. : Jeanne Candel arrivait avec des « provocations », des consignes, et nous les proposait, soit individuellement, soit par groupes, avec un temps de préparation donné. Nous présentions alors nos scènes plus ou moins improvisées (selon le temps de préparation), puis en discutions ensemble. Certaines pouvaient alors être retravaillées, d’autres laissées. Nous avons créé beaucoup de matière, pour finalement en garder peu… Par exemple, le début est né d’une question posée à chacun: faites un questionnaire sur le théâtre. Celui de Sarah a été gardé, puis retravaillé par la suite. Les personnages sont aussi apparus au cours du travail, plus ou moins rapidement;   par exemple, Robert Plankett (seul personnage qui existait à l’origine), était joué au départ par Jan, puis de fil en aiguille, il a été évident que Marc serait R. Plankett.

M.H. : Est-ce qu’il faut beaucoup de temps pour en arriver au spectacle?

J.S. : Nous avons travaillé en tout 2 mois et demi au plateau, mais étalés sur 6 mois, ce qui permettait aussi entre temps de repenser les choses, et notamment, à Jeanne Candel et Samuel Vittoz (le dramaturge), de construire une trame…

M.H. : Est-on plus sujet au découragement ou à l’angoisse quand on n’a pas de texte au départ?

J.S. : C’est à la fois très excitant, car tout est possible, et très vertigineux. Il y a bien sûr des moments de doute chez chacun car on ne sait pas où on va,  mais la confiance dans le travail, la metteuse en scène, le groupe, une envie de chercher ensemble, permettent de dépasser cela.

M.H. : Finalement, tout le monde est doué pour écrire ou y a-t-il un travail de réécriture?

J.S. : Le travail d’écriture s’est fait au plateau, de la même manière, en s’épurant au fur et à mesure, en en discutant…

M.H. : Comment qualifiez-vous votre registre de jeu? Vous avez pensé au cinéma?

J.S. : Il y avait cette volonté  au départ d’avoir une « nappe » réaliste dans laquelle s’inséreraient des moments non réalistes, et au niveau du jeu, d’être vraiment « nous ». Au cours du travail, nous avons utilisé les outils du cinéma, en se demandant, par exemple, comment faire un zoom au théâtre, mais nous n’avons pas pensé au cinéma. Par contre, nous avons fait une adaptation en septembre de « Robert Plankett » à la radio (sur France culture), et cela nous a plu, car ça nous remettait en recherche différemment, nous nous interrogions sur de nouveaux outils,…

 

 Michèle Harfaut

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