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Théâtre

Jeunesse sans Dieu

Comment sera la nouvelle génération ? Brutale ou seulement fruste ? Cette question, toutes les générations se la posent sur celle, montante, qui fait peur ou qui seulement intrigue. Horváth, le dramaturge bien connu de Casimir et Caroline, fait dire en 1937 à un écolier dans sa copie : « Tous les nègres sont fourbes, lâches et fainéants. » Son professeur s’inquiète de cette montée insidieuse du fascisme chez ses jeunes têtes blondes. L’aventure d’un camp de nature pour les adolescents révélera à travers un crime et un procès les égarements de l’esprit humain dans ses faiblesses.

JEUNESSE SANS DIEU

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© : Pierre GrosboisJEUNESSE SANS DIEU

Tel est le sujet de « Jeunesse sans Dieu », le dernier roman écrit par l’auteur hongrois (mais qui écrivait en allemand), qu’on a pu qualifier d’auteur dégénéré et qui serait devenu, si une branche d’arbre ne l’avait pas tué sur les Champs-Élysées, un scénariste extraordinaire à Hollywood.

On pense parfois au cinéma dans la mise en scène de François Orsoni au Théâtre de la Bastille : le déroulé des séquences, l’alternance des dialogues et du récit, le jeu souvent resserré des acteurs, la musique, les chansons, tout un arsenal de formes qui donnent au spectacle un mouvement fluide et cadencé.

Le ressort dramatique est avant tout romanesque. C’est le combat d’un homme libre contre une société rongé par le mal. Le procès qui suit le drame au cours de ce camp où on apprend à devenir un soldat et par conséquent un homme oblige notre professeur d’histoire et de géographie à fouiller la nature de ses proches pour y chercher la vérité.

C’est la troisième fois que François Orsoni revient sur cet ouvrage. L’été 2011 d’abord en Corse pour un stage avec des jeunes gens, puis en janvier et février 2013 au Cours Florent avec la Classe libre. Il est à noter qu’on retrouve dans la distribution Brice Borg, Florian Pautasso et Jordan Tucker qui avaient travaillé avec Orsoni cet hiver-là.

« A sa première lecture le roman m’a frappé par ses ruptures, ses détours, l’écriture me semblait urgente, presque automatique, alternait le récit didactique d’épisodes concrets et le lyrisme prenait des chemins détournés. » C’est bien cela qui a passionné le metteur en scène, et aussi : « la description d’une société absurde dans la quelle se débat le professeur, sa solitude extrême qui confine à la folie, son sentiment d’une coalition sourde qui se tisse autour de lui sans être incarnée par des êtres précis, … la culpabilité d’un crime qui n’est pas le sien mais que l’on voudrait commettre pour exister, pour agir, la recherche de la foi perdue, tous ces éléments imprègnent le roman de ce climat des années trente en Allemagne. »

Il va sans dire que ces thèmes évoqués et traités dans le roman résonnent encore violemment aujourd’hui. Et c’est tout le talent de François Orsoni de les présenter avec cette acuité. On comprend bien pourquoi cette problématique obsède cet artiste et il l’expose à merveille sur le plateau. Il a réuni une troupe d’acteurs souples et mobiles, puisqu’ils se fondent allègrement dans cette partition en passant pour certains d’un rôle à l’autre sans que jamais le fil narratif ne soit rompu. L’acteur flamand, Bert Haelvoet, est particulièrement saisissant dans le rôle complexe du professeur. Sa déambulation nonchalante, son charisme latent, son accent naturel, je dirais même presque sa difficulté à parler le français, donnent à son jeu une étrangeté étonnante.

http://www.theatre-bastille.com/

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Anna et Martha, les divines Catherine

Anna et Martha, les divines Catherine

La dernière fois qu’on les avait vues ensemble sur un plateau c’était dans une mise en scène délirante des Précieuses ridicules où, en sociétaires accomplies de la Comédie-Française, elles faisaient le bonheur du spectateur en sexa-bêta virginales. Il n’y a qu’au théâtre que le ridicule donne un réel talent. Et Catherine Hiegel et Catherine Ferran le savent et le pratiquent à merveille.

C’est à présent au Théâtre 71 de Malakoff, qu’ayant quitté, non sans fracas, la Grande Maison, Robert Cantarella les réunit dans la pièce de Dea Loher. Ici encore, leur duo est étonnant. Il faut dire qu’elles se connaissent depuis longtemps, qu’elles ont très amies et que leur complicité sert leur art avec gourmandise. Tous les trois s’étaient déjà attaqués avec succès à La Maison des morts de Philippe Minyana. Leurs retrouvailles brillent avec éclat.

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Anna est couturière et Martha cuisinière pour une maîtresse qu’on dit être enfermée dans le congélateur. Elles ne sont pas jeunes et elles passent le plus clair de leur temps à se raconter, à ressasser, à ratiociner, à qui mieux-mieux. Dans la maison on compte une femme de ménage étrangère qu’elles réduisent à l’esclavage et un vieux chauffeur qui se prend pour un chien, ou le contraire, on ne sait pas bien.

On pense à Thomas Bernhardt dans cette façon de pratiquer l’animosité avec délectation, d’aller jusqu’au monstre de soi-même, dans un océan de trivialité et de grotesque. On pense aussi à Beckett et à Fin de partie. Le futur est présent dans la mort qui les attend. En même temps ces Anna et Martha, tout comme Vladimir et Estragon, attendent on ne sait pas quoi, avec un espoir, un désir fous, qui les maintiennent en vie malgré les coups du sort et de la haine.

Courez au Théâtre 71, cela se joue peu (jusqu’au 14 mars). Allez prendre une leçon de théâtre auprès de ces deux actrices qui n’en finissent pas d’être au sommet de leur art.

FXH

Roméo & Juliette

Roméo & Juliette

Comment bien continuer ce début d’année ? En allant savourer sans plus attendre « Roméo & Juliette ». Que vous soyez novice en matière de théâtre ou bien spectateur confirmé, ce spectacle vous ravira. Nicolas Briançon est coutumier du fait, il n’en est pas à son premier Shakespeare. Il a choisi d’alléger par quelques notes d’humour la plus belle et la plus tragique des histoires d’amour. Plus populaire aussi, par une traduction contemporaine, plus accessible sans doute, car il préserve la gravité de la fable et la tension entre les personnages. Tous excellemment interprétés par une troupe de vingt comédiens, accompagnée de cinq musiciens, Valérie Mairesse en tête, dans le rôle de la nourrice.

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Une pièce dont on ressort quelque peu bouleversé tant ces deux amants maudits nous ont transportés dans leur magie amoureuse. Ana Girardot (Lucy dans la série Les Revenants) et Niels Schneider (Nicolas dans l’excellent Les Amours Imaginaires de Xavier Dolan) font de parfaits Juliette et Roméo. Toute la fougue de l’amour apportée par la jeunesse occupe la scène, c’est elle qui nous transporte à Vérone. L’alchimie et la complicité entre les deux acteurs s’imposent avec charme. Tellement, que l’on tombe nous aussi amoureux de ce couple, qui s’inscrit déjà dans la légende théâtrale. Plus qu’une envie : qu’ils remontent tous les deux sur scène très bientôt.

A noter, la fameuse scène du balcon, revisitée comme jamais. Celle de la rencontre entre nos deux héros, dans laquelle le temps est suspendu à la fois sur scène mais aussi dans la salle. Et puis, une fois de plus, la mise en scène exceptionnelle. Les comédiens passent dans les rangs, l’un d’entre eux surgit du balcon, ça bouge, ça fait du bien. La scène finale, ornée d’une multitude de bougies est elle aussi très belle… Bref, un esthétisme à toute épreuve.

N’hésitez plus, allez rendre visite au Théâtre de la Porte Saint Martin, foncez applaudir – et aimer – la plus belle des histoires d’amour.

http://www.portestmartin.com/

Clémence Pouletty – élève en 1ère année

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