Le Blog du Cours Florent

Un senior parle aux juniors : Andrzej Strzelecki

Hier soir, lors de la première du Prix Olga Horstig 2013, au Théâtre des Bouffes du Nord, a eu lieu la 4ème édition du Prix François Florent qui récompense la carrière de professeurs émérites d’art dramatique. Cette année le prix est revenu à Danielle Dubreuil, qui a longtemps exercé au Conservatoire de Versailles, et à Andrzej Strzelecki, Recteur de l’Académie de Théâtre de Varsovie.

Pour ceux, et ils sont nombreux, qui n’étaient pas présents, voici des extraits choisis (et savoureux) de l’allocution de Monsieur Strzelecki.

Depuis 34 ans j’exerce ce métier très suspect qu’est l’enseignement de l’art dramatique et de la mise en scène.  Je dis bien suspect. Pour votre compatriote Marcel Achard, le métier de comédien ressemble à celui de la courtisane : d’abord pour son propre plaisir, ensuite pour le plaisir des autres et, à la fin, pour l’argent. Je n’enseigne pas cela : les élèves le savent déjà.

Tous les étudiants ne connaissent pas la thèse d’Oswald Spengler, le philosophe allemand : « Un jour le dernier portrait de Rembrandt et le dernier morceau de Mozart cesseront d’exister – même si un morceau de toile ou une feuille de partition auront été conservés – parce que le dernier œil ou la dernière oreille qui auraient pu recevoir leur message auront désormais disparu ».

Cette phrase contient la réponse à la question : pourquoi enseigner l’art ?

Pour que Spengler ait tort, ou bien qu’il ait raison le plus tard possible, on pourrait se demander quel intérêt aura un jeune homme à connaitre Molière, à aimer Bach ou à s’intéresser à la peinture de Dali ? Le jeune homme, peut-être, n’en tirera aucun bénéfice, mais la culture, elle, en bénéficiera. Et la culture, c’est une forme de connaissance. Le rôle du professeur est de chercher des élèves qui pourront être, dans l’avenir, comme des réceptacles dans lesquels on pourra stocker certaines valeurs à transmettre aux générations futures.

Il n’est pas nécessaire d’être archéologue pour savoir que tous les réceptacles ne renferment pas toujours des trésors et que la plupart traversent le temps brisés en mille morceaux. Mais sans avoir la foi en la réussite de certains de nos élèves, il est inutile de se préoccuper de pédagogie.

L’art fait partie intégrante de notre vie. Il en influence plus ou moins la nature. Il utilise cette langue internationale qui nous fait appartenir à une certaine communauté : la communauté qui veut croire que le monde est beau et que les gens sont bons. L’art aide à garder la foi, la foi indispensable pour rendre notre existence plus facile et plus légère.

Si j’avais été plus jeune, j’aurais dit que ce prix me motive pour améliorer mon travail. Mais comme je ne sais vraiment pas faire mieux, je dirais que ce prix est pour moi un magnifique et rafraichissant cocktail énergétique. Même si c’est une formulation assez risquée… car vous connaissez l’anecdote du comédien qui, avant de monter sur scène, avait bu quelques verres de cognac : il a merveilleusement joué le premier acte. Pendant l’entracte, il a bu quelques verres de plus et a encore une fois joué merveilleusement… le premier acte.

Commentaires fermés.

Commentaires récents

37/39 avenue Jean jaures, 75019 Paris
Tel: 01 40 40 04 44
Site Web: www.coursflorent.fr